dimanche 27 mars 2011

The day the earth stood still (Robert Wise, 1951)


Etrange coïncidence qui me fait visionner ce beau film de Robert Wise un peu plus de deux semaines après le déclenchement de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Film profondément pessimiste qui résonne singulièrement ces jours-ci ! Comme il faut une civilisation d'une intelligence supérieure pour que l'homme réalise que ses tribulations atomiques menacent l'avenir même de l'univers, il faut un phénomène naturel dévastateur pour que l'homme comprenne la vanité de ceux qui pensent qu'on peut jouer impunément avec l'atome. Mais, las, rien n'y fait, rien n'éclaire les aveugles ni n'alerte les sourds. Les avertissements sans frais de Klaatu (en particulier ce spectaculaire arrêt programmé de toute électricité et de toute énergie sur la surface de la terre pendant une demie heure (elle aura un tout autre effet dans Le village des damnés)) n'en peuvent mais, on choisit de l'abattre plutôt que de discuter.
La surdité des autorités américaines aux imprécations de Klaatu montre un monde qui préfère se refermer frileusement sur ses peurs plutôt que d'évoluer. L'idéalisme rooseveltien semble bel et bien condamné. Et lorsque Klaatu, interrogée par un reporter sur l'effroi suscitée par l'arrivée de la soucoupe volante, fait entendre son refus de céder aux sirènes paranoïaques ( "I'm fearful when I see people substituting fear for reason"*, le journaliste lui coupe sèchement la parole. Il y avait là, me semble-t-il, une dénonciation à peine voilée du climat de peur qui régnait sur les Etats-Unis (amplifiée à la fois par l'annonce des découvertes atomiques en URSS et par les difficultés des GI's en Corée) même si Tavernier y voit également une approbation de la politique extérieure américaine (après tout, comme Klaatu, les troupes de Mc Arthur se voulaient elles aussi porteuses d'une mission pacificatrice). Peut-être mais alors, comment expliquer que les soldats sous l'oeil de Wise soient systématiquement ridiculisés (Ils s'avèrent incapables d'entrer dans la vaisseau spatial) ou terriblement inconséquents (une balle dissuasive détruit le cadeau que Klaatu comptait offrir à la communauté humaine)?
Il est paradoxal que ce soit dans l'un des rares films où les extraterrestres ne soient pas montrés comme des envahisseurs que le spectateur se sente le plus menacé. Non par les capacités destructrices des aliens mais par les limites de l'intelligence humaines qui ne voit pas que la plus grande menace vient de l'humanité même.
Helen Benson (Patricia Neal) fait partie de ces terriens aveuglés dans leur entêtement et il faut une panne d'ascenseur intentionnelle (Klaatu veut prouver au monde l'imminence du danger) pour accélérer sa prise de conscience. Sur ce plan magnifique (il faut absolument rendre grâce à la photo de Leo Tover), Helen, métaphoriquement enfermée derrière les barreaux de ses préjugés cherche hors-cadre la raison de cet arrêt alors qu'elle se trouve toute proche dans la personne de Klaatu, ici mi-figure tutélaire (la stature de Michael Rennie domine nettement la sienne), mi- génie inquiétant (l'ombre qui se rapproche d'elle avec en fond, le theremin herrmannien).
* : écho assourdi du célèbre et inaugural "
the only thing we have to fear is fear itself." du président Roosevelt.

2 commentaires: