dimanche 19 octobre 2014

Monkey Business (1952, Howard Hawks)

Howard Hawks, peut-être parce qu'il aurait préféré Ava Gardner à Ginger Rogers dans le rôle principal féminin d' Edwina, ne tenait pas plus que ça à Monkey Business. Cette histoire d'élixir de jouvence permettait pourtant à Hawks et à Ben Hecht de faire voler en éclat avec infiniment de drôlerie beaucoup de carcans à l’œuvre dans l'Amérique d'Eisenhower. Dans une société où chacun doit rester à sa place et où les adultes doivent garder leur self control en toute circonstance, la vision de Barnaby Fulton (Cary Grant) le savant respecté , faisant le saut de l'ange dans la piscine municipale pour impressionner la jolie Miss Laurel (Marylin Monroe) ou scalpant à l'aide d'une troupe d'enfants déchaînés son ex-rival, Hank Entwhistle, avait quelque chose de formidablement iconoclaste.
A l'origine, le fameux breuvage devait s'appeler le Cupidone mais le Breen Office, horrifié que le sérum put apparaître comme un aphrodisiaque fit changer le nom en B4. D'autres modifications intervinrent afin d'édulcorer l'ardeur sexuelle d'Edwina, notamment lors de leur deuxième lune de miel. Malgré tout, le film demeure très audacieux dans sa représentation des frustrations sexuelles d'une femme de 40 ans (jamais Hawks n'avait utilisé jusqu'ici comme premier rôle féminin une actrice aussi âgée que Ginger Rogers (même si elle n'avait que 41 ans)). MPAA ou pas, tout le monde comprend bien que si Edwina tient absolument à servir de cobaye pour le B4, c'est en grande partie pour ranimer la sexualité assoupie de leur couple. Toute l'introduction et la longue discussion entre Edwina et Barnaby est marquée par ce désir irrépressible. Edwina est prête à sacrifier une soirée dansée (et on imagine l'ampleur du sacrifice pour une actrice comme Ginger Rogers) préparée depuis toute une semaine pour le seul bénéfice de se retrouver en tête à tête avec son négligent de mari.
La réussite du film tient, selon moi, à une alternance de scènes totalement régressives (Barnaby jouant aux indiens, Edwina faisant des bulles avec son chewing gum) et de moments plus graves de réflexion sur l'usure du couple et sur la vanité de vouloir redevenir jeune à tout prix (cf le plan ci-dessus où Barnaby jette son élixir en refusant de considérer la jeunesse comme un prétendu âge d'or (on est loin, très loin de l'Hollywood des années 2000)). Mais, pour que l'alchimie fonctionne, il fallait des comédiens capables de se mouvoir avec la même aisance dans les deux registres. c'est peu de dire que Cary Grant est à la hauteur du challenge. Peut-être parce qu'il avait commencé sa carrière comme acrobate dans un cirque ambulant, il montre une incroyable souplesse et un corps encore très ferme (il avait 48 ans au moment du tournage) dans les séquences où il est censé avoir rajeuni de 20 ans puis de 40. N'en déplaise à Hawks, agacé de devoir composer pour Edwina une séquence de rajeunissement parallèle à celle de Barnaby, Ginger Rogers ne le cède en rien face à son éminent partenaire et c'est un grand plaisir de la voir danser dans les escaliers du motel plus de 15 ans après avoir été la complice de Fred Astaire.