vendredi 25 février 2011

The snake pit (Anatole Litvak, 1948)

Au premier plan de La Fosse aux serpents, on aperçoit une branche de platane où deux oiseaux gazouillent puis un panoramique oblique dégringole sur une femme perdue dans ses pensées. Au second plan, les deux oiseaux s'envolent de l'arbre. Une voix d'homme se fait alors entendre hors-champ puis une deuxième voix, féminine celle-là mais toujours hors-champ et enfin Virginia, le regard halluciné, se met à parler à voix haute bien que la caméra n' offre aucun contrechamp d' un interlocuteur possible. L'effet est saisissant et on se dit que si Litvak tient tout le film à ce niveau, la découverte risque d'être d'importance.
La surprise n'est pas moins grande de découvrir Olivia de Havilland en Virginia Cunningham, cette femme internée pour schizophrénie au Juniper Hill State hospital. Mal coiffée, à peine maquillée, le regard apeuré, les épaules rentrées comme une petite fille, elle n'a plus rien à voir avec l'insolente Arabella de Captain Blood, ni avec les costumes chamarrés de Lady Marian. Dans un emploi prévu au départ pour Gene Tierney (qui dut décliner l'offre étant enceinte) *, Olivia est fascinante même si son rôle a tout du tremplin à oscar (que Jane Wyman lui chipera d'ailleurs pour son rôle dans Johnny Belinda). Multipliant les visites d'hôpitaux psychiatriques, Livvie se jeta à corps perdu dans cette prise de rôle comme pour faire oublier le temps perdu à endosser des rôles que Jack L. Warner lui imposait et qu'au fond elle détestait (que ce soit les faire-valoir d'Errol Flynn ou les filles à papa dépourvues de jugeote). Son modèle, c'était Bette Davis et elle voulut prouver qu'elle était capable de l'égaler. La transformation physique d'Olivia est bluffante (elle refera le coup l'année d'après avec The Heiress de Wiliam Wyler) et son travail de comédienne force le respect. Le problème vient justement de ce travail, parfois trop visible, notamment dans les scènes d'électrochocs. On est davantage impressionné qu'ému. Et sa prestation est à l'image du film. Sérieux, documenté, original (les films sur les dérives des institutions psychiatrique n'étaient pas légion alors), intriguant (le flash-back des vingt premières minutes est captivant) mais manquant d'une patte créatrice qui transforme un bon film à thèse (même si la vision de la psychanalyse demeure empreinte de naïveté) en un authentique chef d'oeuvre.
* : pour autant que j'apprécie l'incarnation de Livvie, j'aurais adoré voir Gene en Virginia!

3 commentaires:

  1. Malgré vos réserves, notre curiosité est piquée et bien piquée.

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  2. Inégal, vieilli mais à voir !
    Il en existe une bonne édition en zone 2 avec d'alléchants bonus : http://www.dvdclassik.com/Critiques/fosse_serpents_bal_sirenes_cimarron.htm

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  3. Je viens de consulter les bonus de l'édition Opening et si la présentation de Noël Simsolo n'est guère convaincante (pourquoi a tout prix vouloir voir dans les troubles du comportement de virginia une métaphore du Maccarthysme ?), l'entretien avec Martin Winkler est lumineux, pointant au contraire de mon trop rapide commentaire, ce qu'il y a de profondément moderne dans le film, en particulier la façon dont la pathologie de Virginia est filmée.

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