mercredi 16 février 2011

Intermezzo : A love story (Gregory Ratoff, 1939)


N'est pas Sirk qui veut et tous les mélodrames n'ont pas la flamboyance d'All that heaven allows. Ils ne sont bien souvent qu'une collection de clichés, bien cadenassée par les règles puritaines du Code Hays. Et Escape to happiness (l'autre titre d'Intermezzo) ne fait hélas pas exception à la règle. Un violoniste, Holger Brandt (Leslie Howard) au faîte de sa gloire internationale s'éprend de la brillante professeur de piano de sa fille, Anita Hoffman (Ingrid Bergman). Pour elle, il abandonne le foyer familial et les deux s'installent momentanément sur la côte d'Azur mais le premier accompagnateur d'Holger vient (l'air de rien) le rappeler à ses devoirs et incite Anita (Ingrid Bergman) à s'effacer pour que le cercle familial se reforme, tout ça avec à la clé, punition divine pour le mauvais père (sous la forme d'un accident de la voie publique pour sa fille) et rédemption lacrymale pour tous. Le Code Hays autorisait la représentation de l'adultère à condition qu'il ne fut pas encouragé et dès les premiers plans sous le chaud soleil cannois, on pressent que l'idylle des deux tourtereaux ne va pas tarder à virer saumâtre.
Seuls le talent, le naturel et l'incroyable beauté d'une Ingrid Bergman d'à peine 24 ans nous ont fait tenir jusqu'au bout de ce monument de conformisme moral qui ne dure pourtant que 66 minutes. La suédoise (dont l'accent scandinave est dix fois plus perceptible que dans Notorious 7 ans plus tard) débarquait à Hollywood, pressé par Selznick qui, désireux d'en faire la nouvelle fiancée de l'Amérique, lui fit tourner ce remake d'un de ses plus grands succès suédois (tourné seulement 3 ans auparavant). Tout au long du film, elle ne se départit jamais complètement d'une certaine gaucherie (elle ne sait pas toujours quoi faire de ses longs abattis) mais les nombreux gros plans nous permettent d'apprécier son regard d'une ardeur déjà peu commune. C'est peut-être sur le plan dont sont extraits les deux photos ci-dessus que Gregory Ratoff met le plus en valeur son talent de comédienne . Sur un court plan fixe en légère contreplongée, Anita regarde pour l'une des dernières fois son amant s'exercer à la mandoline. Tendrement, elle détache son bras du mur et imperceptiblement s'efface du champ de vision pour devenir une ombre ("You don't look real in this light" lui dit Holger). Il ne faut qu'un léger mouvement de bras et une silhouette qui s'estompe pour qu'une immense actrice fasse immédiatement sentir sa différence.

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