vendredi 4 février 2011

Notorious (Alfred Hitchcock, 1946)

J'ai toujours pensé que l'agent Devlin annonçait Scotty Ferguson et qu'en matière de fétichisme, les deux faisaient la paire. Devlin comme Scotty avancent masqués. Devlin doit retourner la fille (Alicia Huberman) d'un espion pro-allemand afin qu'elle infiltre le milieu d'anciens nazis ayant fui le Reich pour l'Argentine. Mais cette mission est presque anecdotique au regard de ce qui motive réellement Devlin. Il lui faut vaincre sa peur des femmes. Derrière l'agent secret se cache un homme frustré, un homme pour qui le beau sexe est une espèce indéchiffrable.
Pour la première fois, le maître filme un personnage qui lui ressemble (Hitchock ne disait-il pas aux visiteurs qui s'aventuraient chez lui et en désignant la chambre à coucher, "la pièce où il ne se passe jamais rien").
Sur ce plan (4"04 après le début du film), Devlin, après qu'une Alicia passablement éméchée lui a proposé de faire un tour, ceint la jeune fille d'un foulard pour lui éviter de prendre froid. Il ajuste ici soigneusement le carré de tissus afin de cacher son ventre nu. On peut sérieusement douter qu'il cherche à la protéger de la rigueur du climat, la scène se passant en Floride. On peut plus sérieusement penser qu'il cherche à lui mettre la main dessus, aux deux sens du terme. A se l'approprier tout comme Scotty s'approprie Judy en changeant son aspect physique et sa garde-robe. Devlin est déjà Pygmalion, modifiant l'apparence d'Alicia pour qu'elle puisse séduire à nouveau son ancien fiancé, Alexander Sebastian. Le haut zébré de la jeune femme (Ingrid Bergman avait des épaules à laisser songeuse Laure Manaudou) n'a pas la sophistication des tenues qu'Alicia arborera en Argentine. Il suffit de comparer avec le sublime tailleur qu'elle portera dans un café de Buenos Aires. Difficile de ne pas lier la métamorphose entre les deux Alicia à cette rencontre même si elle n'est jamais explicitée.
Dans ce plan admirablement composé (ah, cette main agrippée au poteau du perron), je ne me lasse pas de contempler le regard d' Alicia vers la main de Devlin. Ce mélange d'ébriété maîtrisée et de consentement amoureux ajoute au trouble du spectateur qui, pur plaisir de voyeur, observe une femme devenir le fétiche d'un homme.

8 commentaires:

  1. Merci les amis ! Cela fait chaud au coeur!

    RépondreSupprimer
  2. Bravo ! Je vais pouvoir à nouveau m'amuser en lisant tes notes au style inimitable, en imaginant ta voix, alors même que je ne connais que rarement ceux et ce dont tu parles ! amitiés, Josiane.

    RépondreSupprimer
  3. Dieu sait que je ne suis pas fan de facebook , mais c'est en consultant mes " amis" sur ma page - que je fréquente très peu - que j'ai eu le plaisir de découvrir ton nouveau blog . Il va sans dire que nous allons fêter cette naissance sur next.musicblog.fr !

    RépondreSupprimer
  4. @ tous, la suite est déjà en ligne !
    Très touché par ce que vous m'écrivez, Daniel et Josiane.

    RépondreSupprimer