samedi 5 février 2011

The charge of the light brigade (Michael Curtiz, 1936)

Intrépide, loyal, impavide, Errol Flynn était le héros de mes dix ans. Qu'il soit affublé d'un collant (The Adventures of Robin Hood), botté à la proue du navire (The sea hawk) ou sanglé dans un uniforme de l'armée impériale, c'était mon idole, l'idole d'une époque où le second degré n'avait pas tout contaminé et où la musique était invariablement signée Max Steiner.
Trente quatre ans plus tard, la statue tient encore debout. Tout ce que j'ai pu lire sur lui ne me le rend pas moins fascinant. Bien au contraire. Moins marmoréen sans doute mais ô combien humain. Il me faudra une vie pour cerner tous les contours du personnage.
Wolfish et ce, jusqu'à son dernier souffle, lettré (il était doué d'un vrai talent de plume), instable (3 mariages et demie conjugués à une vraie bougeotte géographique), morphinomane (une addiction contractée en raison de problèmes de dos récurrents suite à ses nombreuses chutes de cheval), et bien plus encore, loin de l'image simpliste véhiculée par quelques biographes malveillants. Un misérable dont je tairai le nom a voulu le caricaturer en espion nazi, lui, le fervent défenseur de la République espagnole, vérifiant l'adage : "On ne prête qu'aux riches". A 50 ans lorsque sa dernière fiancée (Beverly Aadland, 15 ans) lui ferma les yeux, il avait parfaitement accompli la promesse qu'il s'était faite : "I intend to live the first half of my life. I don't care about the rest."
Mais, et je sens la question vous tarauder, était-il un grand acteur ? Son spectre était certes moins large que Stewart ou Grant (pour rester dans les acteurs de sa génération) mais il capturait la lumière comme peu (le Duke avait aussi cet immense talent là).
Entre Captain Blood (son film précédent) et The charge of the light Brigade, les progrès sont sidérants. Il a appris à jouer en deçà (underplay disent les Américains) et on peut considérer Curtiz (dont les aboiements l'horripilaient) comme en partie responsable de cette transformation. The charge n'est ni Gentleman Jim, ni They died with their boots on mais sous le froid soleil de Lone Pine, un acteur et pas seulement un swashbuckler est en train de naître. Pour la première fois aussi (même s'ils étaient déjà appariés dans Blood), une scène va matérialiser la magie du couple Errol Flynn- Olivia de Haviland. Replaçons-là dans son contexte. Geoffrey (Errol) vient de comprendre que sa fiancée Elsa (Livvie) en pince pour son gringalet de frère Perry. Même si la situation paraît hautement improbable (qui préfèrerait boire du Carré des vignes plutôt qu'un Montrachet ?) , Errol la joue grand seigneur et promet à Elsa de veiller à ce que son frère ne soit impliqué dans aucune opération militaire dangereuse en Crimée. Les derniers mots qu'Elsa adresse à Geoffrey dans cette séquence sont : " Tell him that his brother is the finest man I've ever known". Après ces paroles et alors qu'Elsa quitte la pièce, la caméra fait un léger travelling avant sur le visage de Geoffrey, faussement impassible (pas un sourcil ne bouge), intérieurement bouleversé. Pour la dernière fois dans le film, Elsa et Geoffrey sont réunis dans le même plan. En disant adieu à l'amour, Geoffrey se mue en figure de sacrifice et donne à son rôle une épaisseur que la seule vengeance contre Surat Khan ne pouvait lui donner. Flynn, bouleversant, ne faisant presque rien (le propre des géants) vient de signer sa première incarnation majeure.

7 commentaires:

  1. beau texte sur celui qui fut, moi aussi, le héros de mes 10 ans lorsque je découvrais ses films de cape et épée.
    Et que j'ai continué à aimer plus tard quand j'ai découvert ses westerns.
    "Walking through life with you m'am...has been a very gracious thing"

    Merci à toi.

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  2. Ah, cette dernière rencontre entre Errol et Livvie dans They died with their boots on ! Impossible de ne pas avoir la larme à l'oeil. Permets-moi de te conseiller la lecture d'Errol & Olivia (Ego & Obsession in golden era Hollywood) de Robert Matzen, un livre passionnant sur une histoire d'amour qui eut pu exister mais qui au final ne fut qu'à l'écran !

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  3. oui, il me semble que Olivia en a voulu à Flynn de "ne pas faire le premier pas".
    D'après ses dernières interviews (c'est fou, 70 ans après, c'est encore LA question récurrente), elle n'attendait que ça...

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  4. Je pense qu'il y avait un conflit intérieur très fort chez Olivia. S'engager dans une histoire avec un homme marié était compliqué avec Olivia. cela signifiait plus ou moins sacrifier sa carrière et cela, c'était inenvisageable pour la future Marian des Aventures de Robin des Bois

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  5. Max Steiner everywhere certes, mais pour Robinoude et Cap' Blood... l'immense et tragique E.W. Korngold !

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  6. On réécrit l'histoire. On s'invente les héros qu'on aurait voulu avoir pour ses 10 ans. M'étonnerait qu'en cet été caniculaire de 76, tu regardais Max Steiner. M'enfin, c'est tellement beau de pouvoir se dire que plus de trente ans plus tard, on avait décidément d'excellents goût. J'applaudis des deux mains cette autosatisfecit. Je croyais que tu lisais à cet âge "Voyage au bout de la nuit" et que, déjà, la musique anglo-saxonne n'avait plus aucun secret. On se trompe, hein!
    Bises

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  7. Toujours aussi cinéphile, mon rabati préféré ! Max Steiner est un compositeur de films et non un réalisateur . Et sinon, oui, j'aimais Errol Flynn à dix ans, ne t'en déplaise !

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